Tous égaux au guichet des aides sociales
Ne cherchez pas loin dans votre mémoire, Il nous est arrivé au moins une fois dans notre vie, de croiser à l’entrée d’une grande surface alimentaire, des bénévoles avec un caddie qui nous interpellent , nous tendent un prospectus et même suivent nos pas, pour nous expliquer que leur mission correspond en la récolte de denrée alimentaire et que la notre correspond en les y aider en déposant dans leurs caddies, un colis issu de nos achats.
Pour la petite anecdote, chaque fois que l’occasion se présente je dépose dans ces caddies des pâtes et du riz …. je tends à attirer votre attention sur ce sujet .
Il y a cinq ans, je faisais mes courses avec une amie, l’occasion s’est présentée ce jour là de participer à la collecte . Mon amie avait récupéré le prospectus à l’entrée et avait écouté le discours de la bénévole, cependant elle n’avait pas prévu de déposer quoi que ce soit pour la récolte, je ne porte aucun jugement à son égard chacun est libre de ses faits et gestes.
Au sortir des caisses, nous nous dirigeons vers la sortie, je dépose en passant un sachet contenant le fameux colis de pâte et de riz, mon amie me regarde et me dit : « je me demandais pourquoi tu avais mis ce sachet à part, j’ai compris. Ne te sens pas obligée de donner parce que tu es Travailleur Social, si c’est pour ça que tu donnes » ce à quoi je lui ai répondu : « Si je donne, c’est parce que je me dis que quelque part quelqu’un qui a faim mais qui ne peut acheter aura la possibilité d’en bénéficier. On ne sait pas de quoi est fait demain, aujourd’hui j’ai pu acheter mais le jour où je ne pourrais pas, j’aimerai aussi être à la place de celui qui va recevoir. »
Ma logique l’a dépassé … elle m’a dit qu’elle ne pourrait, même si elle en avait besoin se rendre aux guichets pour une aide sociale ou pour une aide alimentaire, je lui ai seulement indiqué que tout le monde ne né avec une cuillère en argent et qu’elle ne devrait pas minimiser la déchéance car lorsqu’on tombe de très haut on a beaucoup de mal à s’en remettre, mon travail m’en a fait croisé plus d’un malheureusement dans ce cas, néanmoins je lui souhaite de ne jamais se retrouver dans ce genre de situation, mais qu’elle garde à l’esprit que la faim s’assoit sur la fierté.
Le temps a passé et nos chemins ont pris des routes différentes, très rarement nous nous sommes donné des nouvelles, elle vivant sa vie fastueuse et moi mon quotidien de résolution de problème. Comme tout le monde nous avons été surpris par corona, j’ai pu entendre des phrases du genre : « Je n’aurais jamais pensé avoir recours aux services sociaux » ou « Avant je dépensais sans même me soucier du montant qui figurait sur mon compte en banque, maintenant le moindre cent à son importance » ou encore « Nous pensions être à l’abris de soucis financiers, nous avons perdus nos emplois, nous devons nous rendre aux banques alimentaires pour nourrir la famille » . Il faut savoir que 70% des bénéficiaires sont des femmes , 82% déclarent un problème de santé, 66% souhaite un accompagnement social. ( sources Profil bénéficiaires – Banques Alimentaires (banquealimentaire.org) )
Les médias en parlent, la population bénéficiant des banques alimentaires a évolué, les ménages les plus démunis ne sont plus les seuls à s’y diriger, nous constatons l’arrivée massive des étudiants, certes certains d’entre eux étaient déjà demandeurs ce qui est navrant, toutefois la demande a explosé. La crise du covid nous a tous impacté de près ou de loin. Les personnes les plus précaires fragilisées par la perte d’emploi par ricochet la perte de revenus, la perte de logement etc ont basculé vers la pauvreté, les intermittents du spectacles désœuvrés par les mesures gouvernementales, certains Chefs d’entreprises pris dans le yoyo des restrictions sanitaires …
Ce sont dit-on ‘’ les nouveaux pauvres covid’’ … ceux qui comptent parmi les 2,1 millions de bénéficiaires des banques alimentaires.
C’est dans ce contexte, à la mi-février 2021 que j’ai eu à nouveau des nouvelles de mon amie, qui me contactait pour me relater ses déboires. Elle a tout perdu m’a-t-elle dit. Elle vivait au-dessus de ses moyens, son mari dirigeait une entreprise de VTC dont la majorité de sa clientèle a elle-même été touchée par la crise, ce dernier testé positif , son état de santé à fait fuir le reste des clients et leurs soi-disant amis. Ils n’ont pas pu se relever et sont en situation de surendettement. Elle rit jaune et me dit avoir croisé au guichet de l’aide sociale, un de ses clients et un de leurs amis …Nous sommes tous égaux au guichet de l’aide sociale a-t-elle soupiré.
C’est la gorge nouée qu’elle m’a avoué, avoir mis sa fierté dans sa poche pour demander de quoi se nourrir dans l’association la plus proche de chez elle et s’être remémoré en recevant des pâtes et du riz, notre conversation au sujet du don alimentaire.
La maladie nous apprend qui fait le bonheur, l’argent ou la santé. Mazouz Hacène.